Le jeu vidéo a depuis toujours une image assez controversée, qui s’est accentuée au fil des années. S’il est de plus en plus reconnu comme un art à part entière, au même titre que le cinéma ou la littérature, les évolutions technologiques ont amené de nouvelles possibilités et par conséquent de nouveaux débats. Les jeux vidéo sont violents, les jeux vidéo abrutissent la jeunesse, les jeux vidéo sont un frein à la culture, les jeux vidéo rendent les jeunes asociaux. Consofutur vous propose cette semaine d’analyser ses vertus sociales, ainsi que la manière dont celui-ci exploite la notion de liberté, élément particulièrement en vogue depuis quelques années.
A un c’est bien. A deux, c’est mieux
Le premier point que nous allons aborder, c’est la dimension sociale du jeu vidéo.
Depuis ses débuts, le jeu vidéo a pour but de rassembler. C’est d’ailleurs ce qui le rapproche le plus du jeu traditionnel. Un groupe de personnes se rejoint, apprend un certain nombre de règles qui délimitent ce qu’elles peuvent faire et ne pas faire, afin de cadrer la partie. Les joueurs vont ensuite devoir composer avec ces règles et s’approprier le monde du jeu afin de pouvoir être le plus efficace possible durant la partie.
« Les jeux vidéo rendent les jeunes asociaux ». Cette affirmation n’a jamais été aussi fausse. Prenons l’exemple de Mario Kart. Depuis 25 ans, cette série rassemble les familles/amis du monde entier. Les personnages sont colorés et aisément reconnaissables, la jouabilité est très simple, ce qui rend le jeu accessible à un grand nombre de personnes. Il incarne parfaitement l’idée phare de son éditeur Nintendo : rendre le jeu vidéo immédiat et accessible à tous, sans oublier de proposer des expériences de qualité.
Abordons désormais le jeu en ligne, souvent pris pour cible avec le très populaire stéréotype de « no-life » qui dénonce les personnes (les jeunes adultes souvent) qui passent la plupart de leur temps scotchés à leur écran à jouer au même jeu vidéo. Ce qui motive certains joueurs à jouer non-stop aux jeux en ligne, c’est la notion de monde persistant. Comme le monde dans lequel nous vivons, les mondes de jeux comme World of Warcraft évoluent constamment. Que l’on soit en train de jouer ou non, le monde évoluera quand même grâce aux actions d’autres joueurs.
Là où le jeu en local que nous évoquions plus tôt rassemble physiquement des joueurs au sein d’une pièce, le jeu en ligne rassemble virtuellement des joueurs qui viennent du monde entier. Cet aspect virtuel, souvent perçu comme un gouffre dans lequel tombent les jeunes dès l’adolescence, peut au contraire servir de lieu de confort pour les introvertis. Il est courant lorsque l’on est jeune d’avoir parfois honte de son apparence ou tout simplement de ne pas être à l’aise en société. Le jeu en ligne, en permettant aux joueurs de choisir eux-mêmes leur représentation (via la création de personnage) et en instaurant des systèmes qui incitent les joueurs à coopérer s’ils veulent progresser, permet à des personnes à la base introverties de s’intégrer en société. Nombre d’amitiés ou même d’histoires d’amour modernes ont démarré sur des jeux en ligne.
Au-delà du jeu en local et en ligne, des expériences entre les deux voient aujourd’hui le jour, comme le fameux Pokemon Go qui a déchaîné les passions durant l’été 2016. Nous y avions déjà consacré un article, en juillet dernier.
Le rapport entre le joueur et la liberté
La liberté est un droit qui est sans cesse revendiqué dans notre monde et il l’est également dans le jeu vidéo. Le public aime, depuis toujours, avoir une certaine liberté dans le monde qu’il parcourt. En témoigne le succès de la série Grand Theft Auto, dont le dernier épisode approche tranquillement des 80 millions d’exemplaires vendus. Dans cette partie nous allons nous pencher sur trois types de liberté que le jeu vidéo met de plus en plus en avant ces dernières années : la liberté d’action, la liberté d’interprétation et la liberté du choix.
Sorti en mars dernier avec la nouvelle Nintendo Switch, The Legend of Zelda: Breath of the Wild a été un véritable choc pour le jeu vidéo, en mettant à l’honneur la liberté comme on ne l’avait jamais vue. Le jeu attribue au joueur quelques objectifs au début de l’aventure, qui se voit ensuite laisser les clés de l’univers. Il va devoir parcourir, seul, un monde gigantesque afin de découvrir lui-même ses objectifs et la manière dont il souhaite progresser. En se donnant lui-même des objectifs, le joueur va se créer des petits voyages/aventures. Le tout forme un voyage initiatique qui ne doit sa réussite qu’à la manière dont le joueur va appréhender le monde. Il peut durer 30 heures comme 200, le tout dépend du joueur, et c’est bien là le plus important dans la liberté.
Pour représenter la liberté d’interprétation, rien de mieux qu’un jeu qui raconte beaucoup mais qui ne possède ni dialogue ni élément textuel ou autre indication. Son nom : Inside. Se jouant intégralement en 2D avec une poignée de touches, cette aventure vous met dans la peau d’un petit garçon qui va devoir traverser un univers dystopique à la 1984 (le chef d’oeuvre de Georges Orwell). Sans dialogue ou indication, ce titre fait passer toutes les informations au joueur par son gameplay, sa musique et sa direction artistique. Pour ce qui est de son histoire, le jeu compte entièrement sur les capacités du joueur à observer constamment ce qui se passe au premier plan et dans les décors du jeu. Tout est fait pour intriguer le joueur et le pousser à être curieux, et c’est bien la belle réussite de cette oeuvre.
Concluons cet article sur la liberté de choix, une mode qui s’est installée dans tous les genres du jeu vidéo avec des portes étendards comme l’adaptation de la série The Walking Dead par Telltale Games. C’est de ce jeu dont nous allons parler, puisque celui-ci fait le choix de sacrifier totalement la liberté d’action pour donner plus d’ampleur à la liberté de choix. On ne bouge que rarement les personnages, l’aventure se déroule sous nos yeux sans que nous ne contrôlions notre personnage et pourtant c’est bel et bien l’une des aventures les plus intéressantes du jeu vidéo moderne. Nous incarnons un groupe de survivants qui doivent apprendre à se comprendre afin d’essuyer le moins de pertes humaines. Le jeu va constamment demander au joueur d’effectuer des choix cornéliens dans un temps limité (donner la dernière ration au grand père malade ou à la petite fille chétive, par exemple). Il n’y a aucune bonne ou mauvaise réponse, c’est au joueur de juger quels choix seront moins pires pour la durabilité du groupe. Les personnages sont très bien écrits de manière à ce que l’on ressente rapidement de l’empathie pour eux. Cela va amener le joueur à se responsabiliser et l’inciter à améliorer sa vitesse de réflexion.
Un art à part entière
Plus qu’un simple divertissement, le jeu vidéo a, comme tous les arts, des valeurs qu’il souhaite transmettre, des messages à faire passer. Que ce soit en rassemblant les joueurs physiquement et virtuellement ou en les invitant à être acteur d’aventures toutes plus singulières les unes que les autres, il a définitivement une place de choix dans notre patrimoine culturel moderne. Bien sûr, tous les jeux ne sont pas aussi bons et intéressants que ceux que nous venons de citer mais après tout, c’est le cas dans tous les arts, non ?