Présent dans notre culture depuis plus de trente ans déjà, le jeu vidéo a connu de nombreuses évolutions, et ses usagers également. A la base seul ou à plusieurs dans une même pièce, le jeu vidéo a pris le même virage que la société, en étant de plus en plus connecté. Pour faire un état des lieux sur la situation actuelle du jeu vidéo, nous avons interrogé Arthur (aka MoutMout), rédacteur chez le site d’information JVFrance.
Evolution technologique
Mo’ : Selon toi, quelles sont les innovations technologiques qui ont marqué le jeu vidéo sur console ?
MoutMout : Le jeu vidéo, c’est quelque chose qui a plus de 30 ans. C’est difficile d’évoquer toutes les évolutions et innovations. Donc si je devais en sélectionner 3, je choisirai : le passage à la 3D, le motion gaming avec la détection des mouvements et les services en ligne comme les jeux ou plateformes en ligne telles que le Xbox live, PlayStation store sur lesquelles on peut acheter des jeux dématérialisés.
Mo’ : Pourquoi la réalité virtuelle, qui était vu comme la révolution technologique de demain, tarde à se démocratiser dans nos foyers? Car au final, très peu de casques de réalité virtuelle y sont présents…
MoutMout : Elle a des problèmes à se démocratiser, oui et non. Il y a une chose hyper importante à prendre en compte, c’est le prix d’entrée au lancement d’un produit. Cela pèse énormément dans son succès. On se souvient que la PS3 coûtait, à sa sortie, 600 euros. Elle a extrêmement mal démarré et n’a commencé à prendre son élan que quand le prix a baissé. Pour la réalité virtuelle, le prix du périphérique d’entrée de gamme, le PSVR, est à 400 euros. Donc c’est un gros investissement en plus de la console qui coûte entre 200 et 400 euros. Pour un produit de meilleur qualité, il faut monter autour des 900 euros et vu le peu de jeux qui exploitent de manière convaincante cette technologie, cela ne suffit pas à convaincre le public.
Il faut tout de même relativiser puisque Sony a publié en février dernier les chiffres de vente du PSVR. 915 000 produits auraient été vendus. Ces résultats sont honorables par rapport à ses concurrents qui sont en difficulté.
Mo’ : Aujourd’hui, on parle beaucoup de Cloud Gaming, cette technologique qui permet de jouer à distance en streaming. Cette technologie représente-t-elle l’avenir du jeu vidéo ? Les consoles et les PC de jeu vont-ils résister face à la montée de cette technologie ?
MoutMout : Je pense que oui, cette technologie représente l’avenir. C’est évident puisque toutes les évolutions récentes tendent naturellement vers cette technologie. Après, je ne sais pas si les consoles et PC vont résister face à la montée du Cloud Gaming. Je dirai plutôt qu’elles essayent de s’approprier cette technologie.
On peut évoquer la tentative de Microsoft en 2013 qui, avec la première présentation de sa Xbox One, voulait précipiter le marché dans cette direction avec le cloud computing (une technologie qui permet de récupérer de la puissance d’internet pour améliorer les jeux, ndlr). Néanmoins cette tentative a refroidi pas mal de concurrents puisque le public n’a pas été réceptif. Au final, on voit que le cloud gaming se démocratise à petits pas. Sony a racheté Gaikai il y a quelques années et créé le Playstation Now, un service qui permet, sur PS4 et PC, de jouer à des jeux PS3 via le cloud. On tend clairement vers ce système là…
Evolution du support
Mo’ : Donc si on tend vers ce système, on peut se questionner sur l’avenir du support physique face à la montée du marché de la dématérialisation du jeu vidéo avec des plateformes comme Steam. Ne penses-tu pas que dans un futur très proche tous les jeux finiront pas être dématérialisés ?
MoutMout : Proche oui, très proche je ne sais pas. Il y a plein de fois où les éditeurs ou même les constructeurs de machines comme Microsoft ont essayé de brusquer les joueurs et les pousser vers le totalement dématérialisé, le cloud, etc… C’était il y a 4 ans… Les joueurs avaient dit non car ils souhaitaient rester sur le support physique. Aujourd’hui, c’est la même chose. Les joueurs sont attachés au principe de posséder leurs jeux physiquement. C’est évident qu’on va aller vers du totalement dématérialisé mais je pense que cela se fera lentement.
Mo’ : A qui profite la dématérialisation des jeux vidéo ? Aux joueurs ou aux éditeurs de jeux ? Comment le secteur s’adapte à cette évolution ?
MoutMout : Je pense que le débat n’est pas entre les éditeurs et les joueurs, mais plutôt entre les éditeurs et les revendeurs physiques. Il faut savoir que les boutiques physiques ne font pas de marge sur les jeux neufs mais sur les produits d’occasion. Donc si le marché du dématérialisé se développe, il n’y aura plus de jeux d’occasion. Si une personne achète un jeu neuf, le revend et que quelqu’un d’autre le rachète, il aura réalisé une seule vente pour l’éditeur. Pourtant le jeu aura été acheté par 2 personnes différentes. Par ailleurs, je ne pense pas que les éditeurs feront de jeux dématérialisés en occasion. Pour finir, les jeux baissent de plus en plus rapidement de prix et des promotions en pagaille inondent les services en ligne (Steam, Xbox Live, Playstation Store) chaque semaine.
Evolution des modes de consommation
Mo’ : Aujourd’hui, l’eSport, , qu’on peut s’assimiler à toutes les formes de compétitions centrées autour du jeu vidéo, bénéficie d’une plus forte exposition dans les médias et connait un niveau de notoriété important auprès de la population. Penses-tu que cela va permettre aux joueurs de gagner en crédibilité ?
MoutMout : Oui c’est complètement évident, les joueurs gagneront en crédibilité. J’ai assisté récemment à un salon sur les nouveaux médias et réseaux sociaux. Les conférenciers n’hésitaient pas à parler d’eSport. Le sujet a été évoqué naturellement comme les autres sujets. D’une manière générale, la population a pris conscience que ce n’est pas un phénomène éphémère, qu’il y a des compétitions de jeux vidéo, des gens qui regardent des streams (parties diffusées en direct et en ligne, ndlr), etc. Ce n’est plus un phénomène de niche. Par ailleurs, l’arrivée d’acteurs importants comme le Paris Saint Germain ou Samsung renforce la crédibilité de l’eSport.
Mo’ : Avec la croissance de l’eSport, qui génère de fortes retombées économiques, les éditeurs vont-ils de plus en plus se tourner vers la création de jeux eSport?
MoutMout : C’est déjà le cas puisque cela fait 3 à 4 ans que League Of Legends assoit sa domination, qu’il y a des milliers de personnes qui regardent des streams, que les compétitions sont suivies à un rythme régulier… Donc les éditeurs se mobilisent et partent dans l’optique de plaire à des joueurs qui jouent rarement, à des joueurs qui jouent de façon sérieuse. On peut prendre l’exemple d’Overwatch qui a été conçu et optimisé pour l’eSport avec un système de jeu à la fois technique et équilibré. Le jeu est joli à regarder, les personnages sont marquants. Overwatch est vraiment pensé pour ceux qui vont jouer et pour les gens qui vont regarder les joueurs jouer en stream. Par ailleurs, il y a des mises à jour régulières et l’avis des joueurs est pris en compte. De manière générale, les éditeurs veulent des jeux qui durent plus de 6 mois.
Les compétitions eSport remplissent de plus en plus de salles
Mo’ : On voit que l’eSport se professionnalise progressivement et qu’il est désormais possible pour des joueurs de vivre de leur passion. Est-ce que ce profil de joueurs sera, dans quelques années, LA nouvelle norme dans le secteur du jeu vidéo ?
MoutMout : La norme, je ne sais pas, dans la mesure où tout le monde ne joue pas à des jeux multi-joueurs en ligne. C’est surtout le multi-joueurs en ligne qui s’est démocratisé. Les gens se retrouvent pour faire une partie avec leurs amis le soir sur des jeux comme League of Legends ou Counter Strike. Il est tout de même vrai que les joueurs « lambda » apprennent énormément des joueurs compétitifs et appliquent leurs conseils afin d’améliorer leur niveau de jeu.
Mo’ : Donc ce ne serait pas plutôt le développement du free to play qu’il faudrait mettre en avant ? Les deux phénomènes ne seraient-ils pas liés ? Quid du casual gamer ?
NDLR : « Le free to play désigne le modèle économique de développement d’un jeu par lequel les joueurs peuvent jouer gratuitement et par lequel le développement du jeu, l’infrastructure technique nécessaire et les éventuels investissements marketing sont financés par des éléments payants associés au jeu ». (Source : Defintions-Marketing.com)
MoutMout : Oui totalement. Cela amène une autre question à prendre en compte pour les joueurs : Est-ce que le jeu solo est rentable face au jeu multi-joueurs ? Pour certains joueurs, cela est beaucoup plus rentable d’acheter un jeu multijoueur auquel ils pourront joueur des mois et des mois plutôt qu’une expérience solo terminée en une dizaine d’heures, aussi poignante soit-elle.
Pour ce qui est du casual gaming il est toujours présent. Le casual gamer a un profil différent et s’est totalement déporté sur le mobile ou s’essaye à des jeux free to play comme League of Legends, puisque le ticket d’entrée est gratuit. C’est un modèle qui se démocratise depuis très longtemps, puisque même les consoles (alors que le F2P vient de base du PC) contiennent désormais une large sélection de jeux de ce genre.
La définition du hardcore gamer va de plus en plus changer. Une personne qui joue exclusivement au même jeu multi-joueurs depuis 5 ans mais qui n’a au final pas de grande culture du jeu vidéo est-il un hardcore gamer ?